Deux rapports du World Resource Institute analysent les principaux obstacles à l'électrification de la flotte mondiale d'autobus, et comment les villes peuvent les surmonter
L' année dernière, environ 425 000 autobus électriques étaient en service dans les villes du monde. Presque tous, 99% d'entre eux se trouvaient en Chine. La ville industrielle en plein essor de Shenzhen, en particulier, est l’une des rares villes à avoir complètement électrifié sa flotte . Pendant ce temps, le reste du monde court pour rattraper son retard et est de plus en plus à la traîne.
Ce n'est pas le manque d'ambition qui les en empêche: dans le but de réduire les émissions de carbone, les dirigeants municipaux du monde entier se sont engagés à remplacer partiellement, sinon totalement, la flotte de leur ville par des autobus électriques au cours des prochaines décennies. Un certain nombre de villes, des grandes métropoles comme Mexico City et des villes plus modestes comme Philadelphie, ont entrepris des projets pilotes. Ce qui empêche les villes d’adopter massivement des bus électriques, c’est un mélange de défis technologiques, financiers et institutionnels, selon deux rapports du World Resource Institute qui analysent les efforts déployés dans 16 villes à différentes étapes d’adoption d'autobus électriques . Ce premier rapport se concentre sur trois principaux d’obstacles, tandis que le second souligne la manière de les surmonter. Les villes étudiées vont d'Addis-Abeba en Éthiopie , où il n'y a pas eu de planification substantielle concernant des bus électriques, à des villes comme Philadelphie et Campinas au Brésil, qui réalisent respectivement un projet pilote et projettent une augmentation de leur nombre d'autobus électriques, incluant le dossier de Shenzhen et de Zhengzhou. Les projets sont répartis sur la planète, certains dans les pays développés comme le Chili et l’Espagne, d’autres dans les pays émergents comme l’Inde. Les villes qui souhaitent monter à bord de la révolution des bus électriques doivent absolument restructurer leur mode de réflexion sur l'électricité et les véhicules. «Comprendre que la venue de véhicules électriques ne se limite uniquement pas à l’acquisition du véhicule est l’un des obstacles les plus difficiles à franchir, tant dans le secteur énergétique que dans celui des transports», déclare Camron Gorguinpour, l’un des auteurs principaux des deux rapports. «Il est difficile pour les personnes qui ont passé toute leur carrière à croire que les véhicules et les systèmes électriques n’avaient aucun lien pour maintenant se rendre compte que ces éléments peuvent être intégrés.» Cela signifie que lorsque les villes envisagent d'adopter des bus électriques, elles doivent réaliser quelles devront effectuer des mises à niveau du réseau électrique et développer une infrastructure de recharge, ainsi que plusieurs autres défis associés à ce changement. C’est généralement l’erreur la plus courante, selon Gorguinpour. De nombreuses villes ont simplement installé des stations de recharge en pensant que tout se déroulerait sans problèmes. C'est pourquoi, explique-t-il, l'une des aspects le plus difficile à Shenzhen fut la longueur du processus de mise en place d'une infrastructure de recharge pour supporter plus de 16 000 bus électriques. Chaque autobus a une autonomie d'environ 200 km sur une seule charge de 252 kilowattheures (KWh). Au total, la flotte peut consommer plus de 4 000 mégawattheures (MWh). À titre de comparaison, 1 MWh suffit pour alimenter environ 300 foyers pendant une heure. «C’est une quantité d’énergie insensée, sans parler de l’immobilisation requise», dit-il. «Et le processus d'identification des terrains disponibles, la collaboration avec les services publics, ne serait-ce que pour déterminer l'emplacement optimal, est une tâche extrêmement importante et incroyablement dcomplexe.» C'est ce que Philadelphie a découvert en voulant étendre sa flotte d'autobus électriques avec de nouveaux modèles dotés de batteries plus puissantes. Au début du processus de planification, la ville n'avait pas compris qu'il serait extrêmement coûteux d'acquérir des terrains dans le centre-ville pour des stations de recharge le long de ses lignes de bus. Ils ont donc décidé d'installer toute l'infrastructure de recharge dans les dépôts de bus. «Ils ont pris cette décision sans se rendre compte qu'il coûterait 1,5 million de dollars pour moderniser le système électrique de ce seul emplacement et installer une sous-station capable d'alimenter 20 véhicules», explique Gorguinpour. "Ces détails peuvent rapidement devenir incontrôlables." Les villes à travers le monde ont souvent cité l’augmentation des dépenses comme le principal défi pour se procurer un parc électrique. Alors que les villes qui utilisent des autobus électriques finissent par économiser à long terme sur le carburant, la maintenance (sans parler de la purification de l’air et de la diminution des gaz à effet de serre), les coûts initiaux représentent cependant des défis de taille. Selon les données disponibles, le prix d'un nouvel autobus électronique se situe entre 300 000 et 900 000 dollars l’unité, le rapport souligne aussi que les prix varient considérablement en fonction du fabricant, des spécifications et de l'emplacement de l'agence de transport en commun. Aux États-Unis, un bus électrique coûte en moyenne 750 000 dollars US , contre 435 000 dollars pour un bus diesel classique. Lorsque les villes décident d’intégrer des bus électriques, Gorguinpour croit qu'elles se concentrent trop sur ces coûts initiaux et pas assez sur les impacts à long terme. L’organisation de projets mal ficelés pourrait retarder le processus d'adoption ou de financement des projets pilotes, lorsque l'on inclut seulement quelques bus, s’ils n’ont pas été conçus en fonction d’une vision globale. «Nous encourageons les villes à développer le plus de projets pilotes possibles » a-t-il déclaré. «Mais si votre projet pilote se fait avec seulement quelques autobus électriques vous devriez le réaliser en collaboration avec un groupe d’intervenants, élaborer une stratégie et vous poser collectivement la question:« Comment apprendre suffisamment de ces quelques autobus pour élaborer un plan qui pourrait nous permettre éventuellement d’intégrer 500 ou des milliers d'autobus? Ou encore comme dans le cas de Belo Horizonte au Brésil, essayer de convaincre les opérateurs d’adhérer pleinement à leur projet. Actuellement, la ville et ses fournisseurs d'autobus sont liés par un contrat à long terme qui ne prévoit ni l’obligation ni d’incitatif pour remplacer le stock d'autobus diesel. Après que la ville ait lancé un projet pilote sans avoir impliqué ses opérateurs, le rapport indique qu’à ce jour, aucun opérateur n’a manifesté l’intérêt d’investir dans une entreprise considérée comme coûteuse et risquée ». Ceci illustre bien l'importance de rassembler toutes les parties concernées avant de prendre une décision, c’est sur quoi met l’emphase le deuxième rapport de l'IRG, qui propose une feuille de route pour l'adoption des bus électriques. Cela inclut non seulement les fonctionnaires du service de transport en commun, mais également les entreprises de services publics, les opérateurs de bus et les organisations pouvant aider la ville à financer une entreprise aussi coûteuse. Cela inclut évidemment les banques de développement multinationales et nationales, qui sont les sources initiales de financement. Dans certains cas, comme à Santiago, la capitale du Chili, qui possède la plus grande flotte d'autobus électroniques en dehors de la Chine, ce sont des entreprises de services publics, et non des agences de transport, qui se sont mobilisés pour financer les projets. CITY LAB
Contribution: André H. Martel
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